Mon ronfleur, mon guru

Les autres : Enfer ou voie royale ?

Arrivé à mon dortoir de bénévoles masculins, 12 couchages sont possibles. Nous serons 4 dormeurs ce soir. Le dortoir est grand et aéré, c'est une belle pièce et le bloc sanitaire est derrière.

⏳Temps de lecture : 3 min

Installation
Un tchèque, un Indien anglophone et un Indien non anglophone m'accueillent comme un frère. Excellent démarrage. Je m'installe -drap, couverture, casier- pars faire le tour du site, dîner, visiter, discuter, retour dortoir.
Première nuit
Tout le monde est couché. Dort plus ou moins. Veilleuse permettant aux retardataires de procéder. Ce que je fais, puis au lit. Et là ! Je l'entends s'avancer, progresser puis se dévoiler dans toute sa splendeur. Mon apocalypse : le ronfleur apnéiste du sommeil. Bruits de bouches, sifflements, sons gutturaux, vibrations de mon lit. Et le clou du show qui tourne en boucle : l'arrêt de la respiration suivi d'une prise d'air fébrile, comme paniquée.
Je cherche les bouchons d'oreilles dans ma trousse de toilette. Impossible de mettre la main dessus, jusqu'à ce que je me rende compte que je les ai déjà.
L'enfer, c'est bien les autres
La bataille intérieure commence. Évidemment le sommeil s'éloigne. 22:15 une sonnerie type SMS. Et puis une autre. Se lever. Trouver le téléphone. Réveiller le propriétaire. Lui demander le silencieux.
Pour combler le tout, mon apnéiste a mis son réveil à 3 heures, pour aller à une cérémonie à 4:30. Et il n'entend pas la sonnerie, les autres non plus. C'est moi qui vais le réveiller. Il l'arrête. Re ronfle puis un autre réveil. Deux se lèvent. Se préparent. Sortent à 4:15. Je m'endors. 5:20 : ils reviennent se recoucher, re-tintouin, ronflements, un autre se lève et se met à faire son yoga. A l'indienne avec soupirs, rots et mantras.
Je suis là pour deux semaines. Je la joue comment ?
Reconfiguration
Deuxième nuit. J'ajuste. D'abord, me coucher tôt. M'endormir avant la pétarade. Et aussi vérifier le téléphone du camarade. Ça marche à peu près. Mais 3h du mat, même peine.
J'accepte le créneau. Il est 5:30, ce sera donc méditation en attendant l'heure du yoga.
Récidive et leçon de choses
La troisième nuit rejoue la première. Matin chafouin. A la fin de ma méditation, je bascule. Prenons les choses autrement. Ok, j'ai le sommeil léger. Mais je sais me reposer dans une voiture, dormir dans un train ou faire une sieste en plein soleil. Alors mon esprit parle à mon mental, l'invite à cesser tout activité inutile et revisite le système de croyances établi de longue date.
Oui, quand on a vraiment sommeil et qu'on se lâche, on s'endort.
Non, ce ne sont pas les autres qui t'empêchent de dormir.
Oui, tu pourras t'endormir même si quelqu'un ronfle, y compris fort.
Oui, c'est un très bel exercice de lâcher prise et de détachement de passer de l'assaut pathologique agressant du ronfleur apnéiste à l'observation de ronflements irréguliers oscillants.
Non, je ne manquerai pas de sommeil.
Non, le ronfleur n'a pas été un emmerdeur.
Oui, le ronfleur a été mon guru. 10 nuits. Et je le remercie.

"Le yoga authentique est essentiellement une méthode, d'ordre à la fois interne et externe, qui se propose de mener l'esprit vers le silence total. Patanjali, le maître par excellence en tout ce qui concerne le yoga, le définit, dès le premier de ses célèbres Aphorismes (yoga-sutra) comme « l'arrêt de l'activité mentale ». Henri le Saux

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